« L'affectation de la sincérité est une fraude plus criminelle que la tromperie ouverte. » Alexander Pope

Vous en avez marre de votre conjoint. Vous désirez retrouver votre indépendance et regagner votre pays d’origine. Vous ne voyez aucune utilité à ce que votre conjoint continue d'entretenir une relation avec vos enfants, dont il est regrettablement le père ou la mère. Vos enfants sont très jeunes. Cet élément est important, car plus les enfants sont grands, plus ils ont de bons souvenirs de l'autre parent et plus il sera difficile de les manipuler.

Malheureusement, vous êtes originaire d'un pays signataire de la convention de la Haye, ce qui est aussi le cas du pays que vous quittez. Vous désirez éviter les sanctions éventuelles. Vous êtes une femme. Toutefois, si vous êtes un homme, continuez la lecture, car en suivant ces recommandations, vous avez de bonnes chances de vous en tirer à bon compte.

Vous n'avez absolument pas l'intention de vivre dans la clandestinité. Au contraire, vous possédez de solides appuis qui vous attendent sur place. Par conséquent, vous comptez bien en profiter pour mener la vie d'un citoyen au-dessus de tout soupçon.

Après avoir obtenu cette légitimité, vous espérez que votre futur ex-conjoint honore ses engagements envers vos enfants, et éventuellement envers vous-même, car vous avez aussi des prétentions financières à faire valoir.

Une fois que l’on parvient à obtenir des décisions juridiques en sa faveur, tout le monde doit s'y soumettre. C'est la loi, n'est-ce pas ?

Planification

La première règle à observer est, bien évidemment, de ne faire aucune allusion de votre projet, à qui que ce soit. Un mot de travers, et votre conjoint est capable de prendre lui-même des mesures légales pour empêcher l'enlèvement de vos enfants.

Avant de passer à l'action, vous devez cependant être sûr qu'il les aime ; car si ce n'est pas le cas, votre plan va totalement échouer. En effet, il sera encore plus satisfait que vous de cette séparation.

La meilleure façon de jauger la force de son attachement est d'observer sa conduite envers vos enfants et vous-même.

Est-il un parent aux petits soins pour ses bouts de chou ?

Met-il régulièrement leurs couches culottes ?

Veille-t-il sur eux, pendant que vous allez vous distraire ?

Se met-il aux fourneaux pour leur préparer des repas, ainsi que les vôtres ?

Consacre-t-il tous ses revenus à la famille ?

Si c'est le cas, vous pouvez dormir sur vos deux oreilles, c'est soit un papa poule ou une maman poule, qui ne renoncera pas à son besoin de paterner ou de materner et qui ne manquera en aucun cas de vous verser de l’argent pour eux et même pour vous.

Destruction des indices

Vous vous trouvez dans la meilleure situation possible pour vous atteler à la seconde partie (la plus délicate) de votre plan.

Vous devez subrepticement préparer votre enlèvement. Plus votre conjoint est attaché à vous, plus vous êtes assuré de son dévouement et plus cette phase de planification se met facilement à exécution. Vous devez cependant faire très attention, car à ce stade, il est impératif de commencer à détruire toutes les preuves qui pourraient prouver, postérieurement, votre préméditation. C'est bien connu, plus vous avez affaire à une personne naïve, plus vous avez tendance à relâcher votre attention et plus vous commettrez des imprécisions, qui ensuite se retourneront contre vous. Malgré la crédulité avérée de votre conjoint, faites donc comme s'il était sur le point de découvrir votre machination, prenez TOUTES les mesures préventives nécessaires, en veillant bien à effacer TOUTES les traces compromettantes. Les témoignages écrits, tels les arrangements que vous avez pris avec des membres de votre famille ou d’autres personnes, les numéros de téléphones sur des morceaux de papier, voire les entrées de votre journal intime, TOUT doit disparaître. Ne laissez rien traîner. Prévoyez dès maintenant la destruction de toutes les preuves susceptibles de vous accabler par la suite, même celles qui vous paraissent les plus insignifiantes. Vous allez comprendre pourquoi.

Mise en confiance

Conjointement à l'élimination des indices compromettants, montrez-vous particulièrement câlin ou câline. Faites-lui l'amour comme vous ne l'avez jamais fait. Prévoyez, la veille de votre départ, une nuit de feu d'artifice. Il est fondamental que votre conjoint croit que vous avez ensuite agi sur un coup de tête. En vous montrant particulièrement affectueux, juste avant de passer à l'action, vous sèmerez le doute dans son esprit. C'est à cette seule condition que votre stratégie s'avérera (fruc)tueuse.

Le jour de l'enlèvement, embrassez-le sur le seuil de la porte, comme vous en aviez l'habitude au début de votre mariage, lorsqu'il partait plein d’entrain au travail. Vous pouvez même essuyer une petite larme, en sa présence (comme si vous regrettez son départ). Vous verrez, il s'attendrira encore plus, même s'il s'agit de votre part d’une réaction nerveuse, sachant l'issue imminente.

Juste après ces dernières effusions, faites-vous conduire à l'aéroport par des amis, pour des « vacances bien méritées ».

C'est l'excuse officielle !

Quelque temps auparavant, vous avez conduit votre conjoint à l'ambassade de votre pays, afin qu'il signe une autorisation pour vous permettre de voyager, sans lui, avec les enfants. C'était une simple formalité, au cas où il devait être souffrant et ne pourrait pas vous accompagner.

Votre plan est machiavélique, il s'agit tout simplement de nier l'enlèvement. Vous avez juste besoin de décompresser suite aux terribles charges ménagères qui vous accablent. En réalité, votre conjoint, ainsi que votre belle famille, vous ont constamment aidé. Assurément, l’attente de la rupture vous a mis dans un état de tension difficilement supportable, malgré votre sang-froid légendaire. Ce n’est pas si facile de préparer ce genre d’enlèvement ! Vous risquez à tout instant d’être découvert et malheureusement, vos complices se trouvent sur un autre continent.

Finalement, vous êtes dans la carlingue de l’avion, les enfants serrés contre vous. Les hôtesses sont attentionnées avec les chérubins. Ils se réjouissent. Ils vont voir leurs grands-parents ! C'est l'excuse de ce voyage.

Aide juridique

Jusqu'à présent tout s'est bien passé. Les autorités de l’aéroport n’y ont vu que du feu. Mais, que pouvait-on vous reprocher ? Vos papiers étaient parfaitement en règle.

Les derniers instants avant le décollage sont les plus pénibles. Ils semblent une éternité. Vous poussez un grand ouf de soulagement quand l’avion commence à bouger sur le tarmac. Au décollage, vous ressentez une légère gêne,   comme celle du voleur quittant le lieu de son méfait. Cependant, au fur et à mesure que vous prenez de la hauteur et que les kilomètres défilent dans le ciel, c’est l’impression inverse qui commence à vous habiter. Vous l’avez échappé belle. Mission accomplie !

Vos parents, qui vous accueillent comme un héros, donnent encore plus de poids à cette nouvelle interprétation de la réalité. Ils vous aident à effacer vos derniers scrupules.

Votre repos forcé, à la suite de cet épisode dépressif (c'est la version officielle), dont votre conjoint est entièrement responsable, sera corroboré par un médecin marron. Votre convalescence va exactement durer six mois, afin de vous conformer aux prescriptions de la convention de la Haye.

En d’autres termes, il est nécessaire que vos enfants s’acclimatent à leur nouvel environnement et que vous ayez pris le temps de bien leur laver le cerveau, afin qu’ils ne ressentent aucune envie de revoir le père ou la mère de vos enfants.

Si votre conjoint trouve ces vacances prolongées un peu saumâtres et qu’il manifeste des velléités, passez immédiatement au plan B. Vous avez en réalité fui une personne extrêmement dangereuse, pour vous mettre à l'abri avec vos enfants.

Sitôt arrivé dans votre pays de destination, vous allez prendre contact avec un très bon avocat, si possible militant pour un mouvement féministe si vous êtes une femme, ou pour un la cause des pères si vous êtes un homme.  Ne contactez pas de juriste  avant d'enlever vos enfants, car cela pourrait passer pour de la préméditation. 

C'est vous la victime

Votre tactique de défense est très simple. Vous avez vécu un enfer. Vous avez subi une grande violence physique et morale. Si vous êtes une femme, vous pouvez jouer sur les deux tableaux, si vous êtes un homme freluquet, et que votre partenaire est athlétique, faites de même. Si l'on en croit les statistiques, les hommes battus existent aussi. N'ayez donc pas peur du ridicule. Rédigez une déposition contenant toutes sortes de sévices. Plus les accusations sont grosses, plus elles marquent les esprits. Une grande erreur serait de faire une liste de reproches futiles, sans réelle consistance, en parlant, par exemple, d'incompatibilité de caractère pour justifier votre départ.

N'oubliez pas que vous avez commis un kidnapping parental et qu'il s'agit d'un délit passible de lourdes sanctions civiles, voire pénales, sous certaines juridictions. Ce délit peut même vous conduire derrière les barreaux. En particulier, si vous ne parvenez pas à convaincre les jurés en cas de plainte contre vous. Une circonstance aggravante serait également de faire une déposition explicitement mensongère, après avoir prêté serment de dire toute la vérité. Même devant les tribunaux qui ne punissent pas sévèrement le parjure, abuser la justice n’est jamais vu avec un œil bienveillant. Pensez aussi au déshonneur qui risque de s’abattre sur vous et votre famille. Il en va donc de votre réputation et de celle de vos complices de manœuvrer avec la plus grande subtilité.

Arme fatale

Pour le moment, vous gardez en réserve votre botte secrète, qu'il suffira de brandir quand votre conjoint se déplacera pour trouver une solution au conflit. Vous allez d'abord lui dire que vous êtes en vacances et que vous devez vous reposer. Il est important qu'il ait l'impression que vous avez agi sur un coup de tête. Ainsi, vous allez lui faire croire que vous avez besoin d’un repos prolongé, sans toutefois lui faire part de ce fameux délai de six mois. À ce stade, il est probablement sous le choc et n’envisage toujours pas l'irréparable. N’oubliez pas, qu’avant votre départ, que vous avez pris toutes les dispositions pour mesurer son attachement. Ainsi, il y a donc de fortes chances que s'il repart après vous avoir visité, il ne reviendra pas une deuxième fois avant le délai fatidique.

Comment gérer cette période où il a fait le déplacement pour trouver une issue à la situation ?

Si vous voyez qu'il s'incruste, qu'il se défend et qu'il va engager une procédure contre vous, agissez alors sans le moindre scrupule et brandissez l'arme fatale.

Une justice qui ne parvient pas à faire respecter les droits de ses enfants n'est pas respectable diront certains. Cependant, la seule chose qui vous importe vraiment, c'est que ce soit bien vous qui dictiez la loi !

Faites déposer une plainte par votre avocat pour attouchements sexuels sur vos enfants. Vous verrez immédiatement que votre adversaire passera sur la défensive. Entourez-vous de médecins et d'assistants sociaux pour corroborer vos accusations. Des analyses, des rapports médicaux, des avis de psychiatres et d'autres thérapeutes s'obtiennent facilement. Vous verrez toutes ces personnes sont très motivées lorsqu'il s'agit de défendre la veuve et l'orphelin. On n'en fait jamais assez pour souligner la nocivité d'un parent pervers, qui a la prétention de vouloir rester en contact avec ses enfants.

Calomnies

Ne reculez devant aucune accusation, les plus choquantes sont les plus déstabilisantes pour votre adversaire, et cela finit toujours par arranger vos affaires, car paradoxalement ce sont celles qui sont le plus outrageuses qui vous permettent de gagner définitivement la sympathie du public. Utilisez aussi les associations d'entraide aux victimes de violence conjugale, faites les venir déposer au tribunal, elles adorent cela. Peu importe, si elles ne connaissent rien à votre dossier et qu'elles n'ont eu aucun contact avec votre ex-partenaire (en fait, c'est mille fois mieux ainsi !). Répandez vos accusations auprès de vos proches, de votre famille et de toute autre personne qui prête une oreille attentive. N’épargnez pas les parents de votre conjoint !

Vous appliquerez la même stratégie dans l'administration scolaire ou vous avez enrôlé vos enfants, afin qu'ils se familiarisent à leur nouvel environnement. Vous avez des scrupules, vous craignez de devoir prouver vos accusations ?

Erreur !

Une fois les rumeurs lancées, elles font boule de neige et s'incrustent dans les consciences. Il n'y a pas de fumée sans feu, diront les moins disposés à vous soutenir ouvertement. Personne ne vous contredira et encore moins les juges qui trancheront en votre faveur, de peur de se mettre à dos l'opinion publique. Désormais l'affaire est politique. Dans ce contexte, tout le monde se conforme à la majorité bien pensante. À ce stade, dans la plupart des cas, vos ennemis commencent à battre en retraite. Pourtant, si cela ne suffit pas, portez-leur l'estocade finale, en exigeant qu’ils ne puissent approcher vos enfants que dans le cadre de visites supervisées sous haute surveillance, connaissant la dangerosité de ce parent.

Faites tout cela avec la parfaite conviction d'agir pour le bien de vos enfants. Ils vous en seront très reconnaissants. Il est inutile de dire que tout ce qui a été écrit contre votre adversaire restera gravé dans le marbre et passera à la postérité comme une vérité incontournable.