“La folie, c’est se comporter de la même manière et s’attendre à un résultat différent.” Albert Einstein

Toutes les théories psychologiques sur le comportement sont inutiles, si vous ne parvenez pas à trouver des réponses adéquates dans la réalité. 
Il est évident qu’une situation de divorce, doublée d'un enlèvement parental, représente un vrai défi. Surtout lorsque le dialogue est rompu et que l’on semble avoir épuisé toutes les autres alternatives, dont la confrontation directe, qui débouche habituellement sur le retrait de chaque protagoniste dans ses tranchées, laissant ainsi une situation non résolue qui risque de stagner pendant des années, provocant ressentiment et amertume. 

Deux forces antinomiques

Comment adopter le bon comportement, nous libérant du poids négatif du passé et nous permettant de vivre avec la confiance en l'avenir nécessaire ? 
Deux forces antinomiques s’opposent en permanence, quand chaque action est interprétée sous l'angle de la malveillance d'un ex-conjoint qui s'ingénie à nous empoisonner l'existence et dont la volonté de supprimer les liens avec nos enfants semble omniprésente.

Face à cette impasse, le risque de la paralysie est grand, puisque la tendance naturelle est justement d’éviter ce genre de situations.

Dans la confusion et sous la pression, il est alors facile de conclure, que l'autre parent n'a qu'un but : détruire ce que l’on tente de reconstruire. Mais, encore faut-il être sûr que ce que cette influence soit vraiment négative. D'autant plus que l’autre parent tient généralement le même discours. Car, il faut bien l'admettre, dans ces situations, c'est toujours l'autre qui est responsable !

Avant toute chose, le parent qui se retrouve sur la touche doit donc démontrer que le traitement qu'il subit n'est pas juste et qu'il a réellement les capacités de jouer un rôle positif dans la vie de ces enfants. 
C'est seulement à cette condition qu'il obtiendra grâce, autant aux yeux du parent qui le prive de ses enfants, qu'aux proches et autres intervenants qui, comme de coutume, ne se gênent pas de mettre leur grain de sel. 
Mais, comment doit-il procéder pour faire entendre raison à ses détracteurs ? 
S'il parvient à montrer que sa présence n'est pas du tout pernicieuse et qu'au contraire, c'est un parent tout à fait honorable, le fardeau de la preuve change obligatoirement de côté. Puisqu'il faut alors expliquer pourquoi il a été privé de son rôle parental. La dynamique mentale du parent qui a commis l'enlèvement doit également être appréciée à sa juste valeur pour espérer inverser la tendance préjudiciable. Ce point est crucial, car sans cette connaissance, il y a fort à parier que toutes les opportunités de résoudre la situation vont filer entre les doigts du parent cherchant une reprise de contact avec ses enfants. 
Nous comprenons aisément que toutes les actions qui justifient, aux yeux du parent qui a effectué un enlèvement parental, que  la façon d'agir de l'autre parent est nocive renforce sa conviction qu'il veut lui nuire. Ceci est particulièrement le cas lorsqu'une personne s'attend à ce que nous nous vengeons de ce qu'elle nous a fait subir. Généralement, il ne vient tout simplement pas à l'esprit de ce parent qu'en dépit d'un kidnapping parental, l'autre parent puisse avoir une attitude conciliante à son égard. Tout ce que le parent exclu peut faire est donc naturellement appréhendé sous l'angle de la vengeance. Les reproches, les gestes déplacés, les emportements occasionnels, les colères incontrôlées contribuent à renforcer cette atmosphère délétère. Les actions en justice se situent dans ce même créneau, générant leur lot de réflexions négatives et de réactions intempestives. Comment garder un calme olympien et rester positif, alors que toute l’énergie de l’autre parent est destinée à vous déstabiliser et à vous faire endosser le rôle du méchant ? 

Saisir les occasions

Nous devons toutefois admettre que certaines difficultés sont incontournables et qu'il faudra composer avec ces données. Il est notamment impossible de changer la manière de penser des autres. Tout au plus, sur la longueur, notre comportement, s'il ne les ulcère pas trop, peut éventuellement les conduire à être plus indulgents à notre égard. Dans tous les cas, lorsque cette prise de conscience survient, elle ne dépend pas réellement de nous, mais plutôt de la personne concernée et de ses circonstances de vie. S'il se trouve que le parent qui a effectué le kidnapping parental vit  une très mauvaise expérience avec son nouveau partenaire, il peut, par exemple, réviser son jugement sur le parent qu'il a écarté précédemment de la vie de ses enfants. Le dernier événement en date prendra le pas sur son expérience passée, du moins momentanément. Et, c'est là que le parent écarté doit faire preuve de jugeote pour saisir l'opportunité qui se présente. Non pour faire des reproches au parent qui est parti avec les enfants, non pour tenter de le récupérer, ce qui pourrait être tentant s'il l'aime toujours, mais plutôt pour adopter un comportement prudent et empathique. 
N’oublions pas que si l’inimitié que ce parent nourrissait contre son ancien partenaire, s'est déplacée sur quelque d'autre, rien ne prouve que cela met un terme à ce mécanisme. 
Certaines personnes s'entendent relativement bien avec leurs proches, tant qu'elles peuvent projeter leur hostilité sur une autre cible. Mais, quand il n'y a plus de raisons d'en vouloir à un absent, l'attention se détourne alors sur le conjoint actuel.  Il est d'ailleurs fort possible que la rupture et l'enlèvement parental résultent de cette manière de fonctionner. 
Le parent écarté devrait néanmoins profiter de ce retour en grâce pour s'interroger sérieusement sur la suite qu'il entend donner à sa relation avec l'autre parent, en plaçant l'intérêt de ses enfants  au premier plan. Il doit sincèrement reconnaître par ailleurs sa responsabilité, qui n'est jamais absente, dans l'entretien d'un climat malsain qui a conduit au kidnapping parental. 
 Plus que de simples retrouvailles, la possibilité, offerte au parent rejeté suite à un enlèvement parental, de renouer avec sa famille, doit être l'occasion d'une prise de conscience globale, afin de trouver des solutions mutuellement satisfaisantes. C'est à ce parent de faire en priorité cet effort pour sortir d'une spirale négative, et de ne pas s'appuyer sur la bonne volonté passagère de l'autre parent, qui se trouve bien souvent dans un état de confusion encore plus grand que le sien. 
Le parent qui a kidnappé ses enfants doit aussi faire partie de la solution.  Il convient d'offrir à chacun sa juste place et ce point est sans doute crucial, même après un jugement en justice. En effet, la négligence et l'indifférence, sont des formes de non-reconnaissance de son partenaire, dont les effets sont redoutables, puisqu'ils peuvent provoquer un second enlèvement, encore pire que le premier. Ceci nous indique aussi qu’il est inutile de mettre de l’eau dans le moulin d’un parent souffrant de persécution et que le meilleur service à lui rendre, ainsi qu'à soi-même, est de ne pas avaliser ses scripts délirants, en adoptant comme lui une attitude irréfléchie qui le conforte dans ses croyances. 

Comportement avec les enfants

Le problème le plus important à résoudre est toutefois celui du rapport avec les enfants. Quel que soit d'ailleurs le niveau de présence de ces derniers. En effet, dans certains cas, ces enfants ont totalement disparu et malgré cela le parent qui n'a pas l'occasion de les voir, doit bien adopter un comportement, qui sera plus ou moins le reflet de son état d'esprit, qui risque tout autant d'être fluctuant que s'il avait un contact très limité. En dépit des sérieuses difficultés que pose un enlèvement parental, des arrangements sont possibles si une entente avec l'autre parent existe. Cependant, ces cas ne sont pas fréquents. Non seulement en raison du manque d'entente entre les parents, mais encore des contraintes économiques que cela pose parfois.

Quel comportement avoir avec des enfants absents ou ne donnant signe de vie qu'épisodiquement, dans un climat de tension et de frustration réciproque ? 
Dans quelle mesure ce comportement, s’il existe, peut être bénéfique, en se gravant dans leur mémoire, comme un souvenir agréable, en prévision de jours meilleurs et en dépit de ce que pourra dire et faire l’autre parent ? 
On a trop tendance à noircir les effets négatifs qu’un parent peut avoir sur ses enfants et à sous-évaluer les influences éventuellement positives d’un parent absent, malgré les maigres moyens dont il dispose. Pour ce parent, ne pas rompre le ténu contact qui existe, même s'il se limite qu'à de rares appels téléphoniques, est fondamental, mais plus importante est la nature de ce contact. La qualité doit primer sur la quantité. Si bien que nous partons du principe que si le parent parvient à conserver cet amour inconditionnel pour son enfant, même en l'absence de toute réaction de ce dernier, la partie est gagnée. C’est l'attitude de ce parent face aux imprévus de l'existence qui crée sa réalité. Même s'il n'a strictement aucun contact avec son enfant, cette attitude détermine sa destinée. Il ne s'agit pas du tout d'espérer une réunification censée récompenser l'abnégation de ce parent, mais bien de cultiver une manière de penser qui influence sa vie quotidienne dans la bonne direction. Nous ne pouvons pas négliger non plus l'incidence de cette philosophie de vie sur l'évolution de l'enfant.
Si le parent présent façonne la partie consciente de l’enfant, la personne absente conditionne indirectement sa partie inconsciente, ses fantaisies, ses rêves. Le parent absent doit donc se placer dans l’idéal de l’enfant, dans son imaginaire, dans son avenir. Le parent absent a la chance de pouvoir agir sans devoir affronter les difficultés pratiques de la vie quotidienne de l'enfant. L’enfant est quant à lui tout en devenir. Si sa situation avec le parent présent est assez dépendante d'un point de vue physique et matériel, cette réalité est toutefois transitoire. 
D'autre part, le parent présent n'a pas les clés du jardin secret de l'enfant. C'est cette porte sur l'inconnu que le parent absent doit entrouvrir. L’esprit de l’enfant se prête naturellement à cette orientation. Ainsi, le parent absent doit penser à éviter tout ce qui pourrait perturber cette matérialisation de la spiritualité de l’enfant. Après avoir été attaché au parent présent dans sa vie, jusqu’à son l’adolescence tout au moins, l’enfant va devoir faire son propre cheminement. Il doit affirmer son individualité et dans une certaine mesure s’affranchir de la tutelle des deux parents, dont celui qui a été absent.

Situation paradoxale

Ce n'est pas parce que le parent absent ne semble pas pouvoir agir, que sa présence n’est pas perceptible. Il ne faut toutefois pas négliger que le parent absent va continuer de vivre dans l’inconscient de l'enfant, et que sa présence représente souvent une énigme. L'énigme d'un inconnu qui doit, d’une certaine manière, se révéler et se découvrir, au sens propre comme figuré, si ce n'est que pour confirmer les impressions de l’enfant ou alors pour les réfuter. L’enfant devenant adulte est donc intuitivement conduit vers cette démystification du parent absent qui finalement représente aussi une partie de lui-même. 
C'est un fait que l'image du parent absent a été d'une certaine façon fabriquée afin de servir les intérêts immédiats du parent qui a enlevé l'enfant. L'incitation à effectuer le travail de reconstruction, auquel devra se livrer l'enfant qui aspire à connaître sa vraie  histoire, dépend dans une grande mesure des doutes qu'il a pu entretenir suite aux déclarations du parent présent. 

Seul un comportement digne et mesuré du parent absent est à même d'invalider les convictions que l'enfant  a précédemment acquises. Alors qu'une attitude agressive et outrancière ne fera que les renforcer encore plus. Le parent absent doit continuer jusqu'au bout à incarner ce rôle de miroir de la conscience de l'enfant, sans ressentiment et sans jugement, car c’est l’enfant qui doit effectuer le lien entre ses interrogations passées et la réalité. Une reconstitution que son développement mental rend désormais possible et qui lui permet,  par la même occasion, de renforcer ses capacités de réflexion et sa maturité. Seul l'enfant qui finit par rejeter une vision du monde manichéenne et une manière très polarisée d'appréhender les relations interpersonnelles est capable d'évoluer et de sortir d'un tel milieu. Il ne faut pas négliger non plus que dans ces situations conflictuelles, une grande partie des impressions que l'enfant a acquises sur le parent exclu, ne dérivent pas de faits qui ont succédé au divorce, et à l'enlèvement, car, à partir de ces deux événements charnière, les interactions significatives brillent par leur absence, mais plutôt d’impressions personnelles subjectives, faites de suspicions, de peurs de méfiances, fondées sur des idées de vengeance et de justice. 
Ce processus de réparation compensatoire est profondément ancré dans l’esprit des protagonistes. Certes, où l’idée de revanche est présente, il est à peu près impossible de sortir d’un contexte destructeur avec son lot de culpabilité et d’angoisse. 

Influence des proches et des intervenants

Un autre danger est d’impliquer diverses personnes dans ces problèmes et leur demander de prendre position. Ces personnes peuvent faire du zèle de manière inadéquate et injuste pour les protagonistes concernés. Se sentant obligées, par loyauté envers les parents pour lesquels elles ont pris parti, de répandre des rumeurs irrationnelles autour d’elles, elles contribuent à compliquer la résolution de ces cas.
En effet, les protagonistes de la problématique de l’enlèvement parental, se trouvent ainsi conditionnés, par ces soutiens providentiels, de maintenir la même position en avalisant par conséquent une vision tronquée de la réalité. Que ce soit le parent qui a effectué l’enlèvement ou l’autre, tous deux considèrent que leur position est parfaitement justifiée. Reconnaître qu’ils se trompent dans leurs jugements, équivaut à admettre par la même occasion qu’ils sont des personnes peu fiables et indignes de la confiance qu’on leur porte. 
D’autre part, sur la base des déclarations des intervenants, les parents concernés peuvent penser que toutes leurs difficultés personnelles sont inhérentes à l’influence de leur ex-conjoint, sans minimement s'apercevoir que ces problèmes existaient avant de le connaître. Ces tendances à l’autojustification obéissent à des besoins inconscients profondément ancrés. Il y a donc fondamentalement une grande ignorance sur soi, sur les raisons et sa manière de se comporter, sur les attentes irréalistes qui les habitent. 
En coupant la communication et en renonçant à tout échange, souvent sur le conseil d’un proche ou d’un intervenant, les parents se placent dans une situation passive réceptive, dans l’attente d’un changement qui n’interviendra pas, car simultanément, ils renoncent à leur libre arbitre.
Une autre attitude préjudiciable provient du parent exclu. C’est pour lui très facile de donner la faute à son ex-conjoint, généralement avec un ton hautain et cassant, une attitude d’autant plus facile à adopter qu’il n’a pas l’occasion de faire des erreurs dans l’éducation de ses enfants puisqu’il n’y participe pas. Pour ce parent, la tentation est donc grande de dire : « Je n’assume aucune responsabilité de ce qui s’est produit, ce n’est pas mon problème. »
Le comportement de ce parent peut devenir très destructeur simplement à partir du moment où, en se déchargeant de toute responsabilité, il imagine, redoute ou souhaite le pire. 
Dans le cadre d’un enlèvement parental, il est très difficile d’acquérir une vision objective de son ex-conjoint. En effet, le réflexe est soit de le condamner ou de l’absoudre, mais ces deux tendances ne sont jamais présentes simultanément, si bien que le comportement de chaque parent présente, soit, une tendance à pardonner, soit à condamner. La première attitude génère le regret et la frustration, quand les bonnes dispositions ne trouvent pas d’écho. et la seconde provoque un sentiment de dépit et de haine et de culpabilité. Il est finalement plus facile d’adopter une carapace cynique et hautaine et de se décharger de la responsabilité de la non-communication. 

Conclusion

Les raisons de l’inimitié entre les parents est antérieure à la rupture qui ne fait que l'exacerber. Le cœur du problème est le refus de communiquer avec l'autre partie, son ex-conjoint, père ou mère de son ou ses enfants. Ce processus a été initié par un des protagonistes, parfois les deux. Aussi déplacée que cette attitude puisse être, elle n'en dérive pas moins du sentiment d’agir à bon escient. La rupture de contact est une punition terrible, lorsqu’elle inclut un enfant, et se déroule à travers un kidnapping parental d'enfants qui ne peuvent la plupart du temps que s'aligner sur la position du parent qui provoque la cassure, d’autant plus lorsque ce parent à la garde de l'enfant. Il est curieux que la situation s'envenime encore plus compte tenu des conséquences terribles pour l'enfant (la perte du lien filial avec un parent précédemment aimé). C'est que la rupture du lien a une haute valeur symbolique même chez celui qui la provoque. La plupart des parents qui kidnappent leurs enfants vivent avec la peur d'un contre enlèvement et rien ne parvient à atténuer leurs angoisses. Lorsque l'enfant est impliqué dans la peur paranoïaque du parent qui l'a enlevé, les perspectives de résolution sont assez maigres. Une éducation à grande échelle à travers des campagnes de sensibilisation semble être le seul remède à ces situations très polarisées.